CHAPITRE IX
Lorsque Obi-Wan se réveilla le lendemain, son comlink était activé. Qui-Gon l’avait enfin contacté. Craignant d’utiliser l’appareil dans sa chambre – il était toujours sous surveillance –, il l’emporta dans un coin du jardin où poussaient des plantes exotiques. Sous le couvert d’épaisses feuilles d’arbre, il activa la ligne.
– Bonjour, Obi-Wan.
La voix de Qui-Gon semblait tendue. Obi-Wan sentit quelque chose d’inhabituel…
– Vous êtes blessé, Maître ! s’écria-t-il avec inquiétude.
– Je suis sur la voie de la guérison. Je suis tombé sur une bande de détrousseurs… Mais j’ai également trouvé le peuple des collines.
– Et Élan ?
– Aussi. En définitive, mon sauveteur masqué s’est révélé être celle-là même que je cherchais. Mais je n’ai pas vraiment réussi à la convaincre.
Elle croit que la Reine ment pour servir ses propres desseins.
– C’est peut-être vrai, dit Obi-Wan.
– Et toi ? demanda Qui-Gon. Qu’as-tu découvert ?
– Je crois qu’on cherche à empoisonner la Reine.
À la hâte, Obi-Wan parla à son Maître de ses soupçons et de sa visite au laboratoire.
Qui-Gon prit une expression solennelle.
– Ce sont de très mauvaises nouvelles.
– Qui pourrait faire une chose pareille ? demanda Obi-Wan.
– Demande-toi à qui profiterait sa mort, répondit Qui-Gon. Si la Reine venait à mourir, son successeur pourrait suspendre les élections.
– Beju ! s’écria Obi-Wan. Mais irait-il jusqu’à empoisonner sa propre mère ?
– Possible, fit Qui-Gon. Mais j’en doute. Je crois que, sous sa colère, il cache une sincère affection.
– Je n’en jurerais pas, marmonna Qui-Gon, qui n’avait pas une très haute opinion du Prince.
– Ou ce pourrait être quelqu’un qui désire que la dynastie se perpétue, continua Qui-Gon. Giba, par exemple. Ou quelqu’un dont les mobiles sont obscurs. Fais bien attention, Padawan. Tu dois avoir des preuves. Lorsque le laboratoire aura identifié le poison employé, tu pourras peut-être trouver l’identité du coupable. N’as-tu pas dit que c’est Jono qui lui servait son thé ?
– Ce n’est pas lui. Il se contente d’aller le chercher aux cuisines et de le lui apporter.
– Tu m’as l’air bien sûr de ton nouvel ami, dit Qui-Gon d’un ton égal. Mais parfois, c’est ce qui crève les yeux qui est la bonne réponse.
– Je suis sûr de lui, s’entêta Obi-Wan.
La suggestion de Qui-Gon le contrariait. Son Maître avait choisi de le laisser s’occuper du palais. Pourquoi n’avait-il pas confiance en son jugement ?
– En tout cas, reprit Qui-Gon, tu dois alerter la Reine. Il n’y a pas d’autre solution. Elle ne doit manger que ce que lui servent des gens en qui elle a une confiance absolue. Mieux encore, elle devrait préparer elle-même ses repas.
– Reviendrez-vous bientôt ?
Pourvu qu’il dise oui !
– Dans quelques jours. Mes blessures risquent de m’empêcher de voyager.
– Vous m’avez dit tout à l’heure que vous étiez sur la voie de la guérison ! protesta Obi-Wan.
– Du moins l’affirment-ils. Élan n’aimerait pas s’entendre dire que les effets de son art sont lents. Elle est si fière de ses talents de guérisseuse !
– Élan est guérisseuse ? demanda Obi-Wan. (Soudain, une idée lui traversa l’esprit :) Mais en ce cas, elle doit s’y connaître en poisons !
– Tu brûles les étapes, Padawan ! rétorqua Qui-Gon d’un ton sévère. Es-tu en train de me dire qu’Élan pourrait être responsable de la maladie de la Reine ? Elle ne vient jamais à Galu.
– Du moins l’affirme-t-elle, contra Obi-Wan. Vous m’avez dit qu’elle était déguisée quand vous l’avez rencontrée. Et si elle savait pertinemment qu’elle est l’héritière du trône ? Vous m’avez demandé à qui profiterait la mort de la Reine. Pourquoi pas à Élan, justement ?
– Elle ignorait qu’elle était la fille du roi Cana, objecta Qui-Gon.
– Du moins c’est ce qu’elle vous a dit, s’entêta Obi-Wan.
Si Qui-Gon accusait Jono, pourquoi les soupçons ne pèseraient-ils pas aussi sur Élan ?
– Occupe-toi du palais, fit le Jedi d’une voix pleine de réprobation. Je me charge d’Élan.
La communication se termina dans un fondu sonore. Obi-Wan remit le comlink dans sa poche. Il était déçu. Parfois, il avait l’impression que Qui-Gon et lui n’atteindraient jamais ce niveau de communion mentale qui est la marque d’une vraie relation entre Maître et disciple.
De toute évidence, Qui-Gon n’avait pu convaincre Élan qu’elle était l’héritière du trône. Pourquoi perdait-il son temps parmi le peuple des collines ?
Obi-Wan reprit le chemin du potager. Au détour d’un virage, il faillit percuter Jono.
– Ah, te voilà ! dit ce dernier. Je t’ai laissé un plateau. Des baies de juna, toutes fraîches pour ton petit déjeuner. Sucrées à souhait.
Obi-Wan le remercia et regagna le palais. Ainsi, Jono rôdait dans les parages. Avait-il surpris sa conversation avec Qui-Gon ? Et si, en fin de compte, Jono était bel et bien un espion à la solde de Giba et de Beju ?